Soirée-débat : santé mentale au travail, comprendre et agir
Le 9 octobre 2025, à l'invitation de la Jeune Chambre Économique de Laval et sous le parrainage du député Guillaume Garot, s'est tenue une soirée-débat riche et inspirante sur un sujet clé : la santé mentale en entreprise. Cet événement a réuni des experts, des acteurs institutionnels et des dirigeants pour échanger sur les enjeux et les solutions concrètes en Mayenne.
Animée par Julie Boisseau, DRH du groupe MPO, la soirée a permis de croiser les regards à travers plusieurs temps d'échange.
Vous n'avez pas pu assister à l'événement ? Nous vous proposons de revivre
la troisième et dernière table ronde de la soirée. Centrée sur le passage de la prise de conscience à l'action, elle donne la parole à notre CEO, Juliette Lachenal, aux côtés d'Agnès Gerboin de
V and B et Mathilde Geoffroy de
Cerfrance, deux de nos clients.
Découvrez leurs témoignages sur la mise en place concrète de leurs plans d'actions : pourquoi ont-ils agi, quelles solutions ont-ils déployées (ateliers, formations, comités) et quels en sont les premiers résultats sur le terrain ? Plongez au cœur de leurs retours d'expérience via la vidéo ou le script complet ci-dessous.
Contexte de départ : Pourquoi aborder la santé mentale ?
Mathilde GEOFFROY : Ce qui nous a poussés à aborder ces sujets de santé mentale et à souhaiter être accompagnés, c'est que nous avions des collaborateurs qui n'allaient pas forcément bien. Nous comptions malheureusement plusieurs cas par an de personnes en arrêt ou qui quittaient l'entreprise pour des raisons de santé mentale. C'était un constat déjà embêtant, voire très embêtant. De plus, notre secteur fait face à de nombreux changements : la facture électronique, l'arrivée de l'intelligence artificielle, la transformation des métiers, etc. En fait, quand on se trouve dans une structure plutôt stable, avec de bonnes conditions, et que l'on constate déjà des difficultés, on sait qu'un certain nombre de changements à venir seront forcément des facteurs de risque. Il vaut donc mieux s'équiper maintenant et trouver des solutions dès à présent, plutôt que d'attendre que les problèmes s'aggravent.
Agnès GERBOIN :
Chez V and B, nous rencontrons un peu les mêmes problématiques. Nous sommes 300 collaborateurs au siège de Château-Gontier, avec un réseau de franchise d'environ 300 magasins. C'est une société qui a grandi très vite, avec des collaborateurs très engagés, et nous nous sommes rendu compte qu'un nombre croissant d'entre eux étaient en difficulté. Nous nous sommes beaucoup posé de questions. J'ai la chance de former un vrai binôme avec Céline Lebreton, notre responsable de l'expérience collaborateur, qui est d'ailleurs avec nous ce soir. Avec Céline, nous nous sommes souvent demandé comment faire. Nous avons eu la chance que PepPsy intervienne lors d'une commission RH rassemblant les acteurs RH du bassin de Château-Gontier. En rentrant de cette commission, j'ai tout de suite été voir Céline pour lui dire : « Je pense que nous avons trouvé comment aborder le sujet ».
Dépasser la simple enquête
Julie BOISSEAU : Souvent, quand on décide de traiter le sujet de la santé mentale en entreprise, la première chose qui vient à l'esprit est de lancer une enquête RPS ou QVCT, car c'est facile à mettre en place. Mais il y a parfois une petite crainte des résultats, et comme c'est souvent anonyme, on se dit : « Bon, je trempe un orteil, mais sans trop me mouiller ». Pour autant, vous avez décidé d'aller beaucoup plus loin que cette fameuse enquête. Ma première question est donc : avez-vous tout de même mené cette enquête ? Et pourriez-vous nous expliquer, avec l'aide de Juliette, quelles actions vous avez mises en place et quels en sont les résultats aujourd'hui dans vos entreprises ?
Les actions mises en place
Mathilde GEOFFROY : Alors nous, nous ne sommes pas partis sur l'idée d'une enquête QVCT spécifiquement dédiée à la santé mentale. Nous avions cependant un baromètre social qui avait fait remonter un certain nombre de sujets, notamment organisationnels, qui pouvaient poser souci. Nous avions aussi de nombreuses remontées de nos représentants du personnel et des cas individuels signalés directement ou via les managers. J'ai vécu un peu la même expérience qu'Agnès : j'ai participé à une réunion où PepPsy présentait ses actions, et je me suis dit : « OK, c'est bon. Ça y est, maintenant je vois ce que je veux faire dans l'entreprise ».
Nous avons donc décidé de mettre en place un plan d'action en deux grands volets :
● Un volet curatif : Lorsqu'un collaborateur ne va déjà pas bien, que faisons-nous ? Quelles sont les solutions, vers qui l'orienter, comment agir ?
● Un volet préventif : Quand on en arrive là, c'est souvent que les gens vont mal depuis un certain temps. L'idée était donc de mettre en place ce que j'appelle un « maillage » pour retenir les gens. Pour moi, c'est un cheminement : on commence par ne pas aller très bien, puis de plus en plus mal, jusqu'à ce qu'on arrive à la manifestation la plus visible : le burn-out. Je voulais donc mettre en place ce maillage.
C'est là que nous avons travaillé avec PepPsy pour organiser des ateliers ouverts à tous les collaborateurs, avec une approche positive de la santé mentale que nous avons appelée « Prendre soin de nous ». Cela portait sur des choses très concrètes : comment fait-on pour prendre soin de soi ? Car, comme cela a été rappelé, nous sommes nous-mêmes acteurs de notre santé mentale. Nous avons aussi mis en place des formations pour tous les managers, les élus du CSE et l'équipe RH, afin de savoir détecter les signaux faibles et prendre en charge un collaborateur en difficulté. L'idée était de ne pas mettre le problème sous le tapis en se disant : « Bon, il ne va pas bien, mais sa situation personnelle est compliquée » ou « C'est simplement qu'il ne supporte pas bien la pression ». D'accord, ce sont peut-être des faits, mais qu'est-ce que nous pouvons faire pour accompagner ces collaborateurs ?
Julie BOISSEAU : D'accord. Des ateliers, de la formation. Agnès, chez V and B, qu'avez-vous mis en place ?
Agnès GERBOIN : Alors nous, pour commencer, il y a eu ce fameux questionnaire, à l'initiative du CSE, il faut le dire. Ils nous ont donc remonté les informations. Ensuite, plusieurs choses ont été mises en place.
● Nous avons commencé par des sensibilisations pour les managers et le comité de direction, axées sur l'idée que pour aider les autres, il faut d'abord prendre soin de soi.
● Nous avons bien sûr organisé des formations pour le CODIR, les membres du CSE, l'équipe RH et l'animateur QSE.
● Nous avons aussi fait un état des lieux des RPS chez V and B pour identifier ce que nous faisons déjà pour éviter les facteurs de risque, quels sont nos leviers de prévention et ce que nous voudrions mettre en place.
● De là a découlé un plan d'action, piloté par notre comité RPS, qui se réunit tous les mois pour suivre son avancée. Ce travail est mené conjointement avec le CSE, l'animateur QSE et le pôle expérience collaborateur.
● Très prochainement, PepPsy interviendra pour former plus en détail les managers sur la manière de prendre soin de soi, d'agir, de détecter les signaux et d'aider les collaborateurs.
● Enfin, nous avons créé une procédure d'alerte : un petit formulaire permet à chacun de signaler si un collègue ne va pas bien. Le comité RPS prend alors contact avec ce collaborateur, en lien avec son manager, selon un plan défini.
L'accueil par les collaborateurs et les managers
Julie BOISSEAU : Belles actions. Juliette, vous qui intervenez et accompagnez ces entreprises, pouvez-vous nous dire quel accueil vous recevez de la part des collaborateurs qui participent à ces ateliers ? On pourrait penser que le sujet peut être un peu dérangeant pour certains.
Juliette LACHENAL : Je dirais que ce n'est pas la même chose d'intervenir auprès des managers et auprès des collaborateurs en prévention. Nos deux psychologues qui interviennent chez Cerfrance, Margaux et Bertille, pourraient mieux vous en parler. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a un réel enthousiasme de la part des collaborateurs à l'idée d'avoir du temps pour prendre soin d'eux. On partage des choses très simples. Par exemple, dans l'atelier « Gagner en sérénité », on explique concrètement ce qu'est le stress, le bon et le mauvais. On leur montre que c'est un niveau de stress constamment élevé qui mène à l'épuisement, et on leur donne des outils concrets, comme des techniques pour arrêter le « petit vélo dans la tête » qui nous réveille à 4 heures du matin. Ils repartent enthousiastes, en se disant : « En fait, je sais que je peux agir ». On les rend à nouveau acteurs de quelque chose qu'on ne nous a jamais appris. L'accueil est donc vraiment très positif.
Parfois, l'accueil est moins positif, notamment dans les entreprises où il y a déjà de très nombreux risques psychosociaux. Là, les salariés nous disent : « Attendez, ne me demandez pas de travailler sur moi pour mieux dormir. Le problème ne vient pas de moi, il vient des conditions de travail ». Nous le sentons en amont lors de la préparation avec les équipes RH, et dans ce cas, nous leur conseillons de ne pas commencer par des ateliers pour les collaborateurs, mais de travailler d'abord à réduire ensemble les risques psychosociaux.
Quant aux managers, ils arrivent presque toujours à la formation en traînant des pieds, en disant : « J'en ai marre des RPS, ça ne m'intéresse pas ». Et j'adore ça, parce que ça nous donne l'occasion de leur partager une nouvelle façon de voir les choses et de comprendre qu'ils sont vraiment acteurs. En général, ils repartent en se disant : « Je vais pouvoir agir ». Les managers sont confrontés à une vraie difficulté : en plus de gérer leur propre lot de problèmes, ils doivent faire face à ceux de leurs collaborateurs, souvent sans savoir comment agir. Nous leur donnons donc des clés pour agir et prévenir, avec des gestes très simples et de bon sens, comme le fait d'avoir des entretiens réguliers avec leurs équipes.
Premiers résultats et retours d'expérience
Julie BOISSEAU : Ce que j'entends, c'est que vous avez déjà atteint un degré de maturité assez avancé. Justement, quels ont été les résultats chez vous ? Comment ressentez-vous le climat social, et est-ce que les collaborateurs vont mieux aujourd'hui, finalement ?
Agnès GERBOIN : Nous sommes encore aux prémices de la mise en place, nous n'avons donc pas encore de résultats concrets. En tout cas, nous faisons tout pour qu'il y ait le moins de cas particuliers possible. Nous verrons dans les prochains mois si ces impressions positives se confirment. Je pense que les collaborateurs ont été touchés. Nous avons notamment organisé une semaine de sensibilisation sur les RPS qui a été plutôt bien accueillie, et le fait d'avoir un comité dédié leur donne le sentiment d'être soutenus.
Mathilde GEOFFROY : Nous avons lancé le programme il y a un an tout juste. Les résultats sont toujours difficiles à mesurer de manière statistique. Ce que je constate, c'est que je reçois plus d'appels qu'avant, mais ils arrivent bien plus en amont. Cela me donne un peu plus de travail, mais un travail de bien meilleure qualité. Des managers m'appellent maintenant en disant : « J'ai untel qui ne va pas bien, je pense agir de telle ou telle manière, qu'en penses-tu ? ». Les problèmes sont donc pris en main. Le risque, quand on ne sait pas comment gérer une situation, c'est de la laisser un peu de côté. Depuis un an, je n'ai eu aucun cas grave comme par le passé. J'ai eu des personnes avec de vrais problèmes, mais ils ont été pris en charge tellement en amont que la situation s'est déroulée dans les moins mauvaises conditions possibles. De plus, j'ai des managers qui ont pris conscience de l'importance de leur propre santé mentale et qui sont maintenant capables de dire : « Là, j'ai besoin d'une pause ». C'est donc surtout du ressenti et des retours que je constate.
Julie BOISSEAU : Bravo en tout cas pour cette mise en action audacieuse, car toutes les entreprises n'osent pas forcément s'aventurer sur ce terrain aussi franchement que vous l'avez fait. Merci pour vos partages, et nous serions ravis de connaître la suite d'ici quelques mois. Merci à toutes les trois.